Depuis la publication de la liste des neuf candidats à la présidentielle du 07 octobre prochain, le 07 août dernier, le Cameroun vibre au rythme d’une campagne électorale avant l’heure, aussi bien dans les médias que sur le terrain. Ce même jour, la télévision nationale (Crtv) a diffusé le premier numéro de l’émission « 100% Présidentielle », qui a vocation à permettre aux différents candidats au scrutin du 07 octobre d’ « exposer leur offre politique ». Cette création qui relève de l’inédit dans l’histoire des élections au Cameroun, et qui était à sa deuxième livraison mardi dernier, semble battre les records d’audiences à en juger par le flot de réactions qu’elle a suscitées sur les réseaux sociaux lors des passages respectifs de Garga Haman Adji (Alliance pour la démocratie et le développement) et Cabral Libii (Univers).
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Bien que le directeur général de la Crtv, Charles Ndongo, a précisé dès le départ que cet espace était « entièrement réservé aux différents candidats » - ce qui est loin d’être vrai puisque le candidat du Rassemblement démocratique du peuple camerounais a été représenté lors des deux premières éditions -, imaginer que Paul Biya irait jusqu’à descendre de son piédestal présidentiel pour aller débattre ne serait-ce qu’avec un seul de ses huit challengers relève de la pure fiction.
L’impossible passage du président sortant sur le plateau de la télévision nationale – alors que ses adversaires l’y attendent avec une certaine frénésie - n’est en réalité qu’un épiphénomène dans le contexte camerounais. Il compte manifestement sur ses lieutenants pour défendre le bilan de son dernier septennat. L'information claire et nette. A preuve, depuis sa déclaration de candidature, le 13 juillet dernier sur Twitter, le chef de l’Etat ne s’est plus prononcé sur la présidentielle 2018. Pour ses thuriféraires, le candidat Paul Biya « est très attaché à la légalité », et attendrait de ce point de vue la campagne officielle qui s’ouvre le 22 septembre prochain. Soit. Mais, cet argument ne devrait-il pas aussi valoir pour les cadres de son parti qui n’ont même pas eu besoin de la convocation du corps électoral en vue du prochain scrutin présidentiel pour organiser une série de meeting à travers le pays.
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Or, l’élection présidentielle, pense l’homme politique français François Bayrou (qui reprend ainsi le Général De Gaulle), c’est la rencontre d’un homme et d’un pays, d’un homme et d’un peuple. C’est d’ailleurs dans cette logique que, pour la présidentielle de 2011, le candidat Biya a lancé sa campagne à Maroua, dans la région de l’Extrême-Nord, son plus grand grenier électoral. Il s’était ensuite rendu à Douala (Littoral) pour l’inauguration de l’usine à gaz naturel de Logbaba, puis dans l’Océan (Sud) pour la mise en exploitation officielle de la Centrale à gaz de Kribi. Sept ans plus tôt, en 2004, le porte-étendard du Rdpc avait lancé sa campagne le 05 octobre à Monatélé dans la Lekié (Centre), avant de s’envoler pour l’Extrême-Nord le lendemain.
A 30 jours du démarrage de la campagne officielle en vue de l’élection du 07 octobre, Paul Biya n’est pas rentré de son « court séjour privé » à l’étranger. Alors qu’il est à attendu dans son Sud natal pour l’inauguration du Port autonome de Kribi et des barrages hydro-électriques de Memve’ele et Mekin, à Douala pour celle du nouveau pont sur le Wouri et probablement à l’Est pour la mise en eaux définitive du barrage de retenue d’eau de Lom Pangar, le président-candidat, pour qui les meeting à l’occasion de la présidentielle n’ont jamais véritablement été qu’une formalité à l’exception de 1992, peut-il créer la surprise en ne s’y rendant pas à l’occasion de la campagne électorale de cette année ?